Parfum de glace - 1998


Mon résumé
Japon. Après la mort d'Hiroyuki, surnommé Rooky, 30 ans, son amie Ryoko découvre qu'elle ignore tout de son passé. Qu'il avait un frère, qu'il était un génie en mathématiques depuis sa plus tendre enfance passée à remporter des prix que sa mère, obsédée, continue d'entretenir dans une sorte de dévotion mystique, qu'il était un patineur hors pair et qu'il allait se produire à son insu dans une patinoire. Coupant les ponts avec sa famille, il était devenu parfumeur, et lui avait offert quelques jours avant de se suicider un flacon de parfum qu'elle emporte avec elle dans un pélérinage jusqu'à Prague, et dans lequel elle puise la force de sa mémoire.
Il m'avait offert un parfum composé pour la première fois à mon intention. Il me l'avait promis depuis longtemps. Chaque fois que je lui demandais, il disait en fronçant les sourcils d'un air gêné :- Ce n'est pas si simple, tu sais. Il faut que je te connaisse plus en profondeur.Il lui avait donné le nom de Source de mémoire. La fine bouteille en verre translucide, toute simple, était asymétrique, avec des inclusions de petites bulles. Quand on l'exposait à la lumière, on avait l'impression que ces bulles flottaient à l'intérieur du parfum. Contrairement aux bouteilles plus grossières, le bouchon transparent était finement ciselé. Selon un motif de plume de paon.
- Le paon est le messager du dieu de la mémoire, avait-il dit en enlevant le bouchon avant de glisser ses doigts dans ma chevelure pour déposer une goutte de parfum derrière mes oreilles. (p 12)
Un peu plus
Cette fois encore, Yoko Ogawa nous prend par la main, pour nous mettre en confiance, et après on ne veut plus la lâcher. Dans ce roman nous partons pour la République tchèque, et plus précisément pour Prague car après un séjour dans cette ville l'année de ses 16 ans en compagnie de sa mère, Hiroyuki n'a plus jamais été le même. Que s'est-il passé là-bas ? Ryoko veut le découvrir. Elle devine que la clef du mystère est là.
photo Antony Vesque

Il y avait déjà des gens sur la place. Les terrasses des cafés étaient ouvertes et des pigeons picoraient les miettes aux pieds des clients. Des groupes de jeunes qui avaient sans doute rendez-vous étaient assis sur les gradins du socle de la statue de Jan Hus. Le soleil matinal éclairait l'horloge astronomique de l'hôtel de ville tandis qu'en face Notre-Dame-de-Tyn était encore plongée dans l'ombre. (P 78)
Ce retour en arrière pour tenter de comprendre qui était Hiroyuki, et surtout, découvrir pour quelle raison il a rompu avec son ancienne vie, mène Ryoko à l'intérieur d'une étrange grotte dans laquelle se promènent des paons que surveille un gardien bienveillant. Le séjour dans cette grotte permet à Ryoko de surmonter l'épreuve de l'absence. Mais cette grotte n'est-elle pas la représentation de ce parcours intime, prenant sa source dans d'infimes détails, se nourrissant de la capture de tous nos sens y compris l'inconscience ?
J'ai pensé à la mémoire que Rooky portait. J'ai pensé à moi qui n'étais pas perdue dedans. Alors que la sensation sur mon épaule était douce, elle ne me consolait pas. J'avais l'impression qu'elle me poussait à me lamenter encore plus.
- Vous voulez bien rester comme ça encore un peu ? dis-je.
- Autant de temps que vous voulez, répondit le gardien.
Notons les anagrammes Ryoko et Rooky de nos deux amoureux, comme s'ils étaient liés dans une combinaison universelle et pour l'éternité.

Un livre merveilleux qui porte sur :

  • la destinée, ou comment les enfants peuvent progresser devant l'exigence, ou l'absence, de leurs parents,
  • la folie, ou comment l'intransigeance, la perfection, peut conduire à l'aversion et au dégoût de soi, de ses capacités, et de sa raison d'être.


Car nous sommes au fond si fragiles...

Titre original : Kōritsuita kaori
Traduit du japonais par Rose-Marie Makino-Fayolle
300 pages