Manuscrit zéro - 2010


Mon résumé
26 textes (ébauches ou nouvelles) formant un kaleïdoscope de l'univers ogawien : la femme écrivain, le désir d'enfant, les étranges concours des évènements, les expositions (improbables) d'art contemporain, d'étranges nourritures terrestres (les mousses), les clubs (l'association des coeurs simples) ou des concours (le sumo des pleurs d'enfants) tout droit sortis de l'imagination de l'auteur, la maladie, la perte de la mémoire, de la notion des choses, la naissance et la disparition, la fusion avec l'environnement, les fantômes poursuivant leur existance dans le coeur des vivants, les cavités discrètes où se cacher ou d'où observer, la hantise des images de l'Holocauste (ça sent l'homme qui brûle), l'observation du microcosme de la nature, la décomposition des matières ou leur réorganisation..., autant de sujets d'inspiration qui forment un Rubik's Cube de petites histoires à aligner côte à côte, dessus dessous, devant derrière... et qui abordent les thèmes récurrents qui constituent l'univers fantastique de Yoko Ogawa.

Tous les enfants me donnent l'impression que je les connais bien. Fille ou garçon prématuré qui ne fait même pas un kilo ou gros bébé de plus de quatre kilos, que la naissance ait eu lieu par les voies naturelles ou au forceps, il n'y a pas de différence. Tous les bébés sont les miens. Ils sont tous celui que j'ai été autrefois dans le puits comblé du figuier. J'ai cette impression et je pleure. (p.38)

Un peu plus
Dernier ouvrage écrit et traduit en français de Yôko Ogawa, le manuscrit zéro est une sorte de recueil initial de plusieurs histoires, une sorte de berceau pour les textes nouveaux nés, échappés de la nurserie des romans. On entame le livre comme on se coupe une part de gâteau, et puis on glisse, on s'échappe, on court, on avance, on se retourne, on repart en arrière sur une sorte de ruban de Möbius où tout semble s'éloigner mais finit par se rejoindre.
Ce que je crains, ce n'est pas de m'égarer, mais que ceux qui étaient près de moi ne s'éloignent. (p.205)
Les tissus ressemblent à des suaires, les boîtes à des cercueils. Seraient-ils destinés à ensevelir les souvenirs des enfants qui ne reviendront jamais en ce lieu ? Les boîtes paraissent juste à la bonne taille pour qu'un corps allongé sur le côté, le dos rond, puisse y tenir, et je songe un instant à l'effet que cela doit faire, mais je réagis aussitôt en secouant la tête. Attention danger. C'est ainsi que l'on s'égare, comme un enfant perdu. N'est-ce pas justement pour cette raison que nous nous tenons la main ? (p.214)
Plus qu'un autre de ses romans, Yoko Ogawa écrit sa vérité, ses vérités intimes. Pour elle - et je le ressens ainsi - nous sommes ce que nos souvenirs ont fait de nous, nous sommes ce qu'ils ont tracé ou effacé en nous.

Et plus qu'un roman, ou un éventail de nouvelles choisies, Yôko Ogawa nous offre de suivre la piste ombragée du monde de l'écriture, faite de fulgurances, de motifs irréguliers qui sont comme les fractales d'un univers en constante expansion sur un univers toujours complexe.


L'écriture, l'écrivain, est celui qui décrypte pour tous les autres, les mots qui aboutissent au chemin parfois tortueux de nos délivrances intimes ; l'écrivain aime (et attend certainement) "le moment où l'endormissement se confond avec le rêve" et j'ai choisi de rester sur le bord de ce moment-là.

Titre original : Genkô Zeromai Nikki
traduit du japonais par Rose-Marie Makino
date de parution : 2010
parution en français : 2011
235 pages