Lorsque la petite fille demandait à la couseuse pourquoi elle ne recevait pas de réponse, celle‑ci ne savait jamais quoi répondre. — Mais vous habitez au‑dessus du bureau de poste, n’est‑ce pas ? insista la petite fille, comme si c’était pour elle une condition suffisante pour expliquer le silence de la Sylphide. — Oui, mais je n’y travaille pas ! tenta de se défendre la couseuse. — Ça, je le sais, rétorqua la petite fille. Pour elle, le lieu de résidence était apparemment plus important que le contenu du travail. Elle avait trouvé l’adresse qu’elle copiait sur les enveloppes contenant ses messages à la Sylphide sur la brochure qu’on lui avait donnée à l’entrée de la salle de spectacle. C’était celle de l’imprimerie qui l’avait fabriquée. Elle n’avait aucun lien avec la compagnie de ballet. (p.19)Mon complément :
1. Des ailes avec des empreintes de doigts
Une femme décide de répondre à la place d'une comédienne à laquelle une petite fille subjuguée a envoyé des lettres pour lui témoigner son admiration dans son interprétation d'une sylphide.
2. Étreindre la licorne
3. Un amour de grotte
4. Prédire les doubles fautes
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"At the Theatre" par Prudence Heward |
5. Jupe-à-fleurs
6. La comédienne décorative
7. Le chien sacrificiel
8. Les geckos infinis
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"Le Supplice de Mézence" par Louis Janmot |
- Des geckos infinis, ai-je répété tout doucement.
- C'est-à-dire des geckos enlacés qu'on ne peut plus séparer, a expliqué la femme avec assurance, sans l'ombre d'une hésitation.
Sans rien dire, j'ai essayé de me les représenter.
- Quand on les met dans un vivarium étroit...
- Il arrive que les deux corps s'enlacent, le plus souvent à partir de la queue.
- Et quand on essaye de les séparer, ça devient encore plus difficile de les détacher, et il n'y a plus rien à faire. (p.268)

Il existe des écrivains qui vous emportent et vous enferment dans leurs univers et Yoko Ogawa est de ceux là pour moi. Avec elle je retrouve la poésie, la folie, les choses simples qui dérapent, le destin qui se superpose à la prémonition. Les frontières ne sont jamais franches et les pays dans lesquels Yoko fait évoluer ses personnages n'existent que pour ceux qui savent regarder dans l'infinie imagination des auteurs. C'est le 29è livre que je lis de cette auteur à laquelle je consacre ce site depuis 2008.
Comme pour d'autres livres avant celui-ci, je remarque le retour de la pièce cachée ("Prédire les doubles fautes"), la maternité et l'eau (les geckos infinis), mais surtout une imagination sans limite où la mort s'invite parmi les vivants au point que les deux temporalités s'amalgament.
Ce soir-là, je me suis frictionné le ventre avec l'eau thermale avec encore plus de vigueur que d'ordinaire. J'ai avancé vers le fond du bassin aussi loin que ma peur me le permettait, j'ai puisé dans mes paumes l'eau d'une intense couleur rouille qui suintait du rocher et je m'en suis massé en partant du nombril pour aller vers le bas-ventre. (p.266)
Mais le plus frappant pour moi, c'est la capacité à Yoko (et à sa traductrice) à écrire le subtil, le délicat, dans une langue qui me parle tellement.
Les scènes endormies dans la paume de la main, je ne suis demandée à quoi cela se réfère et j'ai une réponse : ce pourrait être les programme de théâtre dont il est souvent question dans les nouvelles de ce recueil : le programme du spectacle de la sylphide, les programmes entassés qui pourrissent sous le lit de "jupe-à-fleurs". La nouvelle qui m'a le plus triste est celle du "chien sacrificiel", la plus drôle mais aussi la plus perverse est celle de celle de la "Comédienne décorative".
Les illustrations que je dépose dans ce résumé m'ont été inspirées à la lecture du livre : j'avais les images dans ma banque d'images et j'ai envie de les partager avec vous mes fidèles lecteurs.