Une parfaite chambre de malade - 1989


Mon résumé
Japon. Une femme accompagne son jeune frère atteint d'une maladie incurable et s'installe, pour ainsi dire, à ses côtés, dans sa chambre de malade. Dès lors, elle passe tous ses moments de liberté, les soirs après son travail ainsi que les fins de semaine, finissant par trouver la vie auprès de son mari sans intérêt, voire détestable.
- Combien de temps lui reste-t-il à vivre ?
Pour moi, c'était la question la plus importante et rien d'autre ne me venait à l'esprit.
- Disons entre treize et seize mois.
- Treize...
Il m'a fallu un peu de temps pour digérer ce chiffre. Parce que, jusqu'alors, je n'avais jamais vraiment réfléchi à ce que cela signifiait. Que pouvait-on faire en treize mois ? Cela permettait à un bébé d'apprendre à se tenir debout et marcher. A un redoublant de devenir étudiant, à des amoureux de se marier. J'ai essayé de mesurer ce chiffre à toutes sortes d'échelles. Mais quand j'ai voulu imaginer ce que pouvaient représenter treize mois pour mon frère, je n'ai pas réussi car je me suis sentie aussi mal que si mon coeur était devenu un fruit trop mûr à la chair éclatée. (p 29)
Un peu plus
Je remonte le temps avec ce recueil des deux premiers écrits d'Ogawa, l'occasion de souligner la présence des thèmes qui seront réguliers, voire quasi obligatoires : je note ainsi les muscles, les viscères, l'eau, l'orphelinat (dont il sera également question dans La piscine), et bien sûr le gâteau à la fraise, quasi présent dans chaque récit.
Les deux parts de fraisier y étaient blotties, dans l'odeur de terre, d'herbe et de pollen. Je les ai observées, le regard acéré comme à travers un microscope. C'était un gâteau tout simple, dont la couche de crème était aussi épaisse que la génoise. (p 52)

La chambre de malade est parfaite car débarrassée de tout résidu organique, de toute nourriture vouée à la putréfaction, images qui font horreur à la narratrice car elles lui rappellent la démence précoce de la mère qui s'était alors mise à oublier des aliments un peu partout dans la maison. La narratrice est obsédée par la "vie", qu'elle assimile à la pourriture, aux êtres vivants qui se repaissent de quelque chose de sombre et d'immonde. Au contraire de la "vie", la chambre de malade est immuable, éternelle, avec sa propreté quotidienne, son absence d'odeurs, à l'opposé d'un corps qui se meurt.
Dans cette chambre de malade qui ne se dénaturait pas, il était le seul à s'affaiblir inexorablement. (p 65)
Nous pleurons avec ses mots si justes, mélange de compassion, de détresse et de prudence. Nous pleurons avec ses mots qui tombent comme des larmes, enrobant de chagrin la perte d'un être aimé qui finit par partir, pelé comme la peau d'un fruit prêt à être mangé par la bouche du temps.
Titre original : Kanpekina byōshitsu
Traduit du japonais par Rose-Marie Makino-Fayolle
74 pages